La sieste !

La sieste : un temps improductif !

Ah la sieste… Petit plaisir du dimanche après-midi après un repas en famille, se laisser glisser lentement vers le sommeil après avoir bien mangé. Petit plaisir des vacances, on écoute son rythme et en début d’après-midi on sent bien que rien ne sert de se forcer à faire quelque chose 🙂 D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, si on fait la sieste vers 13-14h, ce n’est pas à cause de la digestion mais pour des raisons biologiques, comme l’explique Jamy dans la vidéo ci-dessous.

Et si l’on prenait l’habitude de faire la sieste plus régulièrement ? Plutôt que de finir sur les rotules et de tout miser sur les vacances, ne serait-il pas préférable de prendre un petit temps de repos quotidien à la mi-journée ? Puisqu’on vous dit que c’est naturel !

De notre côté, on la fait presque tous les jours depuis des années ! Nous chérissons ce temps improductif qui coupe nos journées en deux. Selon le besoin du moment, ça nous permet de se prélasser, de rêvasser, de récupérer de notre manque de sommeil, ou encore de faire un pas de côté pour éclaircir nos idées.

Alors bien sûr, étant tous les deux entrepreneurs-salariés dans une coopérative d’activités et d’emploi, nous sommes plus maîtres de notre emploi du temps que la moyenne. Nous pouvons organiser nos journées pour avoir le temps et nous trouver à proximité d’un canapé après manger. Injustice pour celles & ceux qui ne le peuvent pas.

Faire de la sieste un droit inaliénable

Depuis le début de l’ère industrielle, on se bat pour réduire notre temps de travail quotidien et hebdomadaire. Bataille en pause depuis un moment, même si certaines entreprises, minoritaires, font le choix de la semaine de 4 jours. Mais pourquoi ne pas aussi intégrer le droit à une sieste quotidienne ? Une question de santé publique !

D’ailleurs, la sieste est aussi un moyen de s’adapter au réchauffement climatique. Il va être de plus en plus difficile de travailler en début d’après-midi pour un grand nombre de personnes. Les chaleurs extrêmes peuvent causer de graves soucis de santé, voire la mort. Sans rendre la sieste obligatoire, une pause s’impose !

Des ressources pour approfondir le sujet

• participer au débat sur la sieste, lancé par Timothée Parrique sur LinkedIn
• lire les romans Paresse pour tous, Le Tripode et La Vie est à nous écrits par Hadrien Klent
• lire l’essai Sauvés par la sieste de Brice Faraut, Actes Sud
• L’Art de la sieste de Thierry Paquot, éditions Zulma
• ou encore Petite philosophie de la sieste de Sébastien Spitzer, éditions de La Martinière

On ne résiste d’ailleurs pas à vous citer la quatrième de couverture de ce dernier livre !

Le court essai de Thierry Paquot est un plaidoyer pour une maîtrise de l’emploi du temps de chacun par chacun, pour la reconnaissance d’un temps pour rien, mais un rien d’une valeur inestimable : la sieste.

L’art de la sieste – Thierry Paquot – 4ème de couverture

Ni cet extrait du podcast suivant qu’on vous invite à écouter en entier 😉

« La sieste est un sabotage du capitalisme, un moment où l’on refuse d’être productifs. Remplaçons le PIB par le SIB, la « Sieste Intérieure Brute », qui mesure notre capacité collective à se dégager du temps libre »

Thimothée Parrique dans le podcast Interception, épisode « La France qui ralentit »

Vous voulez changer le monde ? Faites la sieste 🙂

Un outil au service de la productivité ?

Oui mais, car il y a un mais ! Comme un certain nombre de choses, la sieste est rattrapée par le capitalisme ou en tout cas par le productivisme ! En effet, cette activité est à la mode (notamment dans les start-ups). Évidemment pas tant pour le « temps pour rien » ou le refus d’être productif·ve évoqué plus haut, mais au contraire pour être encore plus productif après. En gros, faites une pause pour être plus efficace !

Toutes celles & ceux qui argumentent sur « la sieste productive » se base, peut-être sans le savoir, sur cette étude de la NASA de 1995. Extrait choisi : « Les pilotes du groupe Repos ont dormi sur 93 % des opportunités, s’endormant en 5,6 minutes et dormant 25,8 minutes. Cette sieste a été associée à une amélioration de la vigilance et des performances physiologiques par rapport au groupe Non-Repos ». On ne rigole pas avec les chiffres à la NASA. Mais bon vous le sentez, abordé ainsi, ça commence à faire plus temps contraint que temps choisi.

Pour ce type de sieste, il est intéressant de noter qu’on parle de « power nap » (sieste énergisante, en français), un vocabulaire tout droit tiré de la recharge de batterie électrique. Si la locution « recharger ses batteries » est communément utilisée, l’institutionnaliser, c’est nous considérer comme des objets. Bienvenue dans le monde fabuleux du business d’aujourd’hui !

La sieste pour la sieste !

Bon alors, comment faire la sieste avec tout ça ? Question intéressante que l’on peut élargir à d’autres pratiques de bien-être, souvent récupérées à des fins productivistes : méditation, yoga, course à pied, etc.

On n’a pas de réponse toute faite mais l’idée générale est de faire la sieste (ou n’importe quelle activité) pour elle-même. La faire comme une fin en soi et non pas comme un moyen au service d’autre chose (souvent la productivité à venir).

Ça semble un peu plan-plan dit comme ça, mais c’est en partie ce qu’a théorisé le sociologue-philosophe Hartmut Rosa. Il fait le constat que notre monde va de plus en plus vite (voir son livre Accélération). L’une des caractéristiques de l’accélération est la suivante : faire de toutes nos activités et rencontres des moyens au service d’autres choses. Partir en vacances pour faire des selfies et se valoriser socialement, faire du réseau pour faire du business, faire la sieste pour être plus productif et ainsi de suite. Ce mode de fonctionnement nous pousse dans une fuite en avant où l’on n’arrête donc pas d’accélérer.

Sa solution n’est pas tant de ralentir que de cultiver notre résonance avec le monde (voir son livre Résonance). L’une des caractéristiques de la résonance (on va bien finir par faire une infographie dessus 🙂 ) est donc l’inverse. Développer des activités que l’on fait pour elles-mêmes et non pas comme un moyen. Prendre des vacances pour des vacances, rencontrer des personnes, faire la sieste pour la sieste 😉 ).

L’idée : ne faire « rien que » la sieste 🙂