La résonance

L’accélération comme caractéristique de la modernité

Comme précisé dans le bas de l’infographie, nous nous appuyons ici sur les travaux du sociologue allemand Hartmut Rosa. Notamment sur 2 de ses livres : Aliénation et accélération ; vers une théorie critique de la modernité tardive (2010) et Résonance ; une sociologie de la relation au monde (2021). C’est surtout le deuxième qui nous intéresse ici, plus orienté sur les solutions que sur les problèmes. On vous le conseille grandement 🙂

Dans son livre sur l’accélération, Hartmut Rosa distingue trois niveaux d’accélération qui s’alimentent mutuellement :

• L’accélération technique qui a pour conséquence de compresser l’espace – 6h pour traverser l’Atlantique contre plusieurs semaines avant, ou encore une visio instantanée avec une personne à New-York ;
• L’accélération du rythme de vie qu’il définit comme « un raccourcissement ou une densification des épisodes d’action ». Pour le dire autrement :
  • on prend moins de temps qu’avant pour faire une chose – 3 min pour un email VS 30 min pour écrire une lettre,
  • on fait de plus en plus de choses dans un même temps – en 30 minutes, je peux écrire 10 emails,
  • et même plusieurs choses à la fois – j’écoute un podcast pendant que j’écris mes mails ;
• L’accélération du changement culturel et social et notamment le fait que ce changement va désormais plus vite que celui de la succession des générations – à l’échelle d’une vie nous changeons de métiers, de conjoint·es, d’opinions politiques bien plus souvent qu’avant.

On se retrouve donc dans une situation paradoxale. On souffre d’une pénurie de temps alors que factuellement notre temps libre augmente. Pour définir la modernité, il parle de « stabilisation dynamique » : on court de plus en plus vite pour pouvoir rester sur place ! S’en suit « une recrudescence du sentiment d’urgence, de la pression temporelle contrainte engendrant du stress, ainsi que la peur de ne plus pouvoir suivre ».

20 minutes pour mieux comprendre Hartmut Rosa

Pour mieux comprendre sa pensée, on vous conseille vivement de regarder cette épisode de l’émission d’Arte Les idées larges « Que perdons-nous à gagner du temps ? », où il est l’invité. Il y parle notamment de cette course contre le temps qui passe, d’où l’idée d’en faire le plus possible.

La résonance comme remède à l’accélération ?

L’accélération permet une fantastique augmentation des options, et ce n’est pas mal en soi. Ce qui est gênant c’est que nous sommes emporté·es par ce tourbillon. On finit par faire les choses juste pour augmenter les possibles… sans jamais profiter d’un possible en particulier. Si on se fixe sur quelque chose, on a peur de passer à côté d’autre chose. Une belle illustration : le syndrome FOMO !

La principale proposition d’Hartmut Rosa n’est donc pas de ralentir mais plutôt de cultiver sa résonance : avec les gens, les choses, le monde qui nous entoure… Voici comment il la définit :

La résonance est une forme de relation au monde associant af←fection et é→motion, intérêt propre et sentiment d’efficacité personnelle, dans laquelle le sujet et le monde se touchent et se transforment mutuellement.

La résonance n’est pas une relation d’écho, mais une relation de réponse ; elle présuppose que les deux côtés parlent de leur propre voix, […] Les relations de résonance présupposent que le sujet et le monde sont suffisamment « fermés », ou consistants, afin de pouvoir parler de leur propre voix, et suffisamment ouverts afin de se laisser affecter et atteindre.

La résonance n’est pas un état émotionnel mais un mode de relation. Celui-ci est indépendant du contenu émotionnel. C’est la raison pour laquelle nous pouvons aimer des histoires tristes.

Hartmut Rosa – Résonance ; une sociologie de la relation au monde

À noter que la résonance « implique un élément d’indisponibilité fondamentale », on ne la commande pas. L’idée serait plutôt de tendre vers la résonance, de la vivre de temps en temps, mais pas d’être en résonance en permanence (ce qui semble de toute façon impossible).

• On peut mettre en place les conditions pour la favoriser : ne faire RIEN QU‘une chose à la fois et la faire pour ELLE-MÊME
• sans être jamais sûr·e que cela fonctionne, d’où l’illustration par une balance dans l’infographie.

Cultiver des axes de résonance variés

Lorsqu’on fait une expérience de résonance, on se sent touché·e, transformé·e, bien dans le monde et c’est très agréable. Pour Hartmut Rosa, c’est l’inverse de l’aliénation qu’il définit comme une relation au monde sans relation.

Quand cette expérience de résonance se répète avec une même personne ou une même activité, il parle alors d’axe de résonance. Idéalement, il faudrait arriver à cultiver cela et pas seulement sur un même axe (là aussi ça pourrait devenir aliénant, décidément) mais sur plusieurs. Il liste dans son livre plusieurs types d’axes de résonance, sans prétendre être exhaustif :

• les axes horizontaux (avec d’autres humain·es principalement) : famille, amitié, politique…
• les axes verticaux (ce qui nous dépasse) : religion, nature, art, histoire…
• les axes diagonaux (un mix des 2) : objet, travail, école, apprentissage, sport…

À vous ! Quels sont vos axes de résonance et que mettez-vous en place pour les cultiver ?

Comment favoriser la résonance sociétalement ?

Si notre question précédente est très personnelle, se posant à l’échelle de l’individu, passons maintenant au collectif. Pour rappel, Hartmut Rosa est sociologue donc il place nécessairement le problème et les solutions à l’échelle sociétale. On vous partage quelques pistes évoquées à la fin de son livre :

• remettre de la démocratie dans l’économie ;
• instaurer un revenu universel suffisant ;
• remettre l’élaboration collective du commun au cœur de la politique.

D’ailleurs, c’est bien raccord avec ce que l’on essaye de faire avec les écolohumanistes :

• les formations à la coopération
• notre revenu universel idéal : le REVE
• les réflexions sur les communs (et les licences libres)

Pas de hasard ici, on a lu Hartmut Rosa il y a quelques années. Il a été assez structurant dans notre pensée mais pas forcément facile à transmettre. Contents de publier cette infographie. On espère que vous arrivez à appréhender cette vaste question et curieux de vos retours sur cette jolie thématique !