Le déterminisme, c’est quoi ?
« Le déterminisme est une théorie philosophique selon laquelle chaque événement, en vertu du principe de causalité, est déterminé par les événements passés conformément aux lois de la nature. »
C’est sur cette conception que se base le principe de « méthode expérimentale » en science. En effet, l’idée est de trouver la cause des phénomènes en les reproduisant, puis en vérifiant que la conséquence attendue ressorte bien.
Cette conception, qui semble assez logique pour les sciences, nous paraît pourtant incongrue pour nous-mêmes, êtres humains. Ainsi, en poussant le raisonnement jusqu’au bout, considérant que tout phénomène est précédé d’une cause, on aboutit assez vite à la remise en cause du libre-arbitre. Tout choix, toute action peuvent être expliquées par des causes. Encore faut-il accepter le déterminisme…
On retrouve ainsi sur une thématique déjà traitée dans une précédente infographie : notre rapport au monde ! Nous considérons-nous comme une exception ? Ou pensons-nous que nous ne sommes pas un empire dans un empire, pour paraphraser Spinoza ?
Nous n’avons pas la prétention de trancher ce vaste débat qui occupe les philosophes depuis des siècles. Vous pouvez néanmoins creuser ce sujet passionnant, avec pêle-mêle : le déterminisme universel de Laplace, la sociologie de Bourdieu, les tentatives de rapprochement entre déterminisme et libre-arbitre, le débat introduit par la physique quantique contredisant le déterminisme, etc. On vous conseille cet article Wikipédia comme porte d’entrée ! Bon voyage 😉
Autre ressource intéressante, cette vidéo d’un collègue d’Animacoop Toulouse qui parle du sujet en partant du choix (libre ?) de son repas 🙂
Mais pourquoi on vous parle de déterminisme ? Et quelques exemples.
Alors déterminisme ou pas, pourquoi on vous en parle ici ? Pour 2 raisons au moins 🙂 qui viennent en alimenter une plus grande. Le rapport au monde qui présuppose que le déterminisme existe nous semble intéressant pour nourrir les nouveaux récits, surtout ceux qui tendent vers un monde plus humain & écologique.
Reprenons la citation de Spinoza que nous avons mise dans l’infographie. « Les hommes se croient libres parce qu’ils sont conscients de leurs désirs mais ignorants des causes qui les déterminent. »
Première conséquence individuelle : ignorer les causes à nos actions
La première conséquence si nous ignorons le déterminisme est individuelle (et c’est la première raison pour laquelle on vous parle de ce sujet). Si l’on en croit cette citation, nous nous croyons libres alors même que nous sommes déterminés par des causes extérieures.
Quelques exemples :
- L’utilisation du portable (mise en avant dans l’infographie). On se croit libre de l’utiliser comme bon nous semble alors même que des ingénieurs travaillent d’arrache-pied pour capter (capturer ?) notre attention le plus longtemps possible dans les applications. Le nom de ce beau métier « philosophe-produit » quand on vous dit que c’est important la philosophie 😉
- Votre plateforme de streaming préféré vous suggère des contenus et met en route immédiatement l’épisode suivant… ce qui vous conduit à en regarder plusieurs. Un choix ?
- L’alimentation industrielle, contenant du fructose dans les aliments transformés par exemple, qui nous rend accroc à la malbouffe.
- Enfin, en élargissant le spectre, la société de consommation fait rimer bonheur avec consommation. Elle stimule les envies tout en réduisant la durée de vie des objets avec l’obsolescence programmée (voir notre conférence 3 étapes pour arrêter de subir la société de consommation).
Une conséquence collective : imaginer l’individu au centre de tout
La deuxième conséquence est plus collective (et c’est la deuxième raison de vous parler de ça). Mettre sur un piédestal le libre-arbitre et la puissance de la volonté pousse à faire peser les problèmes (comme les réussites d’ailleurs) sur les individus, sans tenir compte du contexte et des causes multiples qui aboutissement à ce résultat.
Quelques exemples :
- La responsabilité : les pauvres sont pauvres à cause d’eux. En effet, il suffit de traverser la rue pour trouver du travail !
- Le mérite : les riches sont riches grâce à eux. Ce serait une véritable spoliation de les taxer !
- Le changement : « Je baisse, j’éteins et je décale » pour la transition énergétique
- …
Et ma liberté alors ?
Vous commencez à douter de votre libre-arbitre ? Cette petite graine plantée dans votre esprit pourrait vous faire réfléchir longtemps 😉 (on en parle d’expérience car on en discute ensemble depuis des années)
Le piège serait alors de tomber dans un certain défaitisme ou pessimisme. Puisque le libre-arbitre n’existe pas, il n’y a rien à faire, laissons faire. OK, mais alors où réside ma liberté ?
Spinoza (dont vous aurez compris qu’il nous a inspiré cette infographie) propose de redéfinir la liberté comme une compréhension des choses. Il n’oppose pas raison et passion comme beaucoup de philosophes, mais plutôt les passions (dérivé de passif) aux actions (dérivé d’actif). Pour lui, agir c’est faire en comprenant ce que l’on fait.
Faisons un petit détour par l’étymologie du mot comprendre : « composé de cum « avec » et prehendere « prendre, saisir ») littéralement « saisir ensemble, embrasser quelque chose, entourer quelque chose » d’où « saisir par l’intelligence, embrasser par la pensée ». »
La liberté réside donc dans la compréhension des causes que l’on fait sienne.
Quelques exemples, en miroir des exemples évoqués plus haut :
- Si je comprends qu’il y a un philosophe-produit à l’autre bout de la Terre qui me force à utiliser mon portable, je peux parfois éteindre mon portable ou l’enfermer dans une boîte de temps à autre (Jeff fait vraiment ça !), plutôt que de croire que la puissance de ma volonté va suffire à me faire arrêter de scroller.
- Si je comprends que le fructose me rend accroc à la malbouffe, je cuisine avec entrain des produits bruts.
Vers une liberté construite collectivement ?
Moins convaincu·e par ce deuxième exemple ? Nous aussi ! Et pour cause, en changeant notre rapport au monde, on s’aperçoit que la liberté est plus collective qu’individuelle. Nos choix collectifs, nos manières de faire société, induisent nos comportements quotidiens.
Reprenons nos exemples pour en proposer une solution possible :
- et si l’ajout de fructose était interdit ?
- et si les algorithmes étaient encadrés par des lois pour ne pas aspirer notre attention ?
- et si la publicité était limitée ? (c’est en cours chez nous à Lyon !)
- et si on réfléchissait aux facteurs divers menant à la pauvreté plutôt que de stigmatiser les pauvres ?
- et si on taxait plus les riches en se disant que leur réussite n’est pas purement personnelle ?
- et si on rénovait énergétiquement les bâtiments en plus de baisser le chauffage ?
- etc.
Et si l’on changeait notre vision de la liberté ?
En attendant, et ce n’était pas autant pensé au début, nous sommes d’autant plus contents de notre leitmotiv comprendre, simplifier et transmettre !
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