
Le Donut : un bon indicateur ?
La loi de Goodhart dit : « quand une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure ». Force est de constater qu’en matière économique, le PIB est devenu l’indicateur clé ET l’objectif principal. Et ce depuis bien longtemps ! C’est le point de départ de l’économiste Kate Raworth pour en arriver à la théorie du Donut, un modèle complexe fait à partir de multiples indicateurs de notre économie. D’ailleurs, elle a dit ceci dans ce texte publié sur le site du fond monétaire international :
L’impact du maintien de la priorité accordée par les pays riches à la croissance du PIB au détriment de la lutte contre les inégalités et de la protection du monde vivant n’est que trop manifeste de nos jours.
Au XXIe siècle, nous avons besoin d’un objectif beaucoup plus ambitieux et global : l’épanouissement de l’être humain sur une planète vivante et prospère. Il se trouve que l’une des boussoles susceptibles de nous guider a la forme d’un anneau. Cet anneau donne la priorité aux besoins et aux droits essentiels de chaque personne, qu’il s’agisse de l’alimentation, de l’eau, de la santé, du travail décent ou de l’égalité entre les sexes. Il reconnaît en même temps que la santé de toute vie dépend de la protection des systèmes vitaux de la Terre : un climat stable, des sols fertiles, des océans sains et une couche d’ozone protectrice.
En termes très simples, l’anneau favorise l’épanouissement de l’humanité entre une base sociale et un plafond écologique — autrement dit, la satisfaction des besoins de tous dans les limites des moyens de la planète vivante.
Alors si vous suivez bien, vous allez nous dire que si on remplace l’indicateur PIB par « l’indicateur Donut » (c’est ça l’anneau dont elle parle dans son texte), on risque fort de se retrouver avec le même problème, de retomber dans le même cercle vicieux. On aurait tendance à répondre oui mais… le risque est plus faible étant donné que l’indicateur est plus complet. C’est en réalité une multitude d’indicateurs, comme on va vous le détailler ci-dessous.
Quels sont les éléments pris en compte dans la théorie du Donut ?
Les éléments à prendre en compte pour définir le plancher social ainsi que pour les limites écologiques ne sont pas figées. L’idée ? Construire (idéalement co-construire même !) les indicateurs les plus pertinents à l’échelle où l’on souhaite mettre en place cette mesure ! À l’échelle planétaire, les indicateurs les plus souvent mis en avant quand on parle de la théorie du Donut sont :
- les Objectifs du Développement Durable (ODD pour les intimes) concernant le plancher social ;
- les limites planétaires concernant les limites écologiques, dont 6 des 9 critères ont été dépassés.
Ces indicateurs sont critiquables, et parfois critiqués – notamment l’ODD N°8 qui nomme la croissance économique dans son titre. Et c’est très bien comme ça, comparé à l’aura et à l’immunité dont joui notre sacro-saint PIB 🙂
Les 7 principes de la théorie du Donut
Pour être un peu plus complet sur les travaux de Kate Raworth, elle propose 7 principes pour mettre en place l’économie régénératrice qu’elle promeut. 7 chemins pour penser l’économie entre la juste satisfaction des besoins essentiels (le plancher) et le respect des limites écosystémiques et planétaires (le plafond) :

- 1er principe : Changer de but (passer du PIB au Donut donc !)
- 2e principe : Avoir une vision globale de l’économie (càd replacer le marché et l’économie au sein de nos sociétés humaines, elles-mêmes encastrées dans le système Terre)
- 3e principe : Nourrir et entretenir la nature humaine
- 4e principe : Intégrer l’aspect systémique pour considérer les interdépendances entre les systèmes
- 5e principe : Redistribuer pour partager la valeur créée (quelle qu’elle soit)
- 6e principe : Régénérer en s’inspirant des cycles du vivant (où il est notamment question d’économie circulaire)
- 7e principe : Adopter un point de vue critique sur l’impératif de croissance en adaptant le modèle de développement au contexte territorial considéré (pas le même traitement pour les pays du sud et les pays occidentaux du nord par exemple, où il serait nécessaire de construire une économie soutenable indépendante de la croissance).
Un vaste programme qui nous parle bien, dans la droite ligne de notre objectif à nous : comprendre, simplifier et transmettre pour participer à un monde + épanoui 🙂
PS : Vous pouvez retrouver ici les 7 principes expliqués en vidéo.
Quelques exemples de Donut
Vous l’avez compris, il n’y a pas un mais des Donuts ! Le Donut le plus connu est celui représentant les ODD et les limites planétaires mais il en existe plein d’autres. Voici quelques ressources complémentaires :
- Pour approfondir la théorie et participer à sa mise en pratique, Kate Raworth a fondé le Doughnut Economics Action Lab (DEAL) . Alors si vous êtes fan de Donut, ce site va vous ravir avec une belle émulation et plein d’outils pratiques : doughnuteconomics.org
- Ici des visualisations de Donut par pays !
- Un donut comme boussole local avec la ville de Grenoble
- Le Donut de la ville d’Amsterdam et sa mise en pratique
- L’article de l’atelier 2 tonnes qui résume bien le sujet
- …
Alors, ça vous met en appétit ?
Bonus : faire son Donut personnel
À la manière d’un bilan carbone, cet outil est une grille de lecture qui permet de se situer pour ensuite cibler des actions clés à mettre en œuvre. C’est un travail nécessaire mais pas suffisant… car attention aux injonctions individuelles !
Les véritables enjeux sont collectifs et les réponses bien souvent politiques. Nous avons d’ailleurs ajouté quelques pistes sociétales en périphérie du Donut.
On vous invite à le remplir lors d’un atelier collectif, ou même à l’animer pour d’autres. Ça sera un bon prétexte pour discuter de tous ces sujets, imaginer des pistes individuelles, et surtout collectives !
C’est une traduction-adaptation de ce canevas de Zoe Gilbertson, publié sur doughnuteconomics.org




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